Peut-on changer le mode de pensée collectif ?
La thèse du livre « Civilisation, biosphère et climat » dit que notre civilisation mondialisée devrait se déliter graduellement au cours de ces prochains 100 ou 200 ans. La cause première de ce désastre proviendrait d’un changement dans la façon de penser de l’Homo sapiens, changement initié au début du néolithique lorsque l’Homme devenu cultivateur et éleveur a commencé à s’éloigner des lois de la Nature.
Est-ce alors la faute de notre cerveau ? Certainement pas.
Si l’espèce humaine devait compter sur ses seules qualités physiques pour faire sa place sur cette Terre, elle aurait vraisemblablement déjà disparu. C’est bien grâce au fonctionnement de son cerveau aux qualités si particulières qui lui a permis de se retrouver au sommet de la chaine alimentaire.
La différence entre l’Homme et l’animal est que ce dernier peut faire confiance à ses muscles, à ses gènes, à son instinct qui ne les trompent que très rarement. En revanche, le cerveau de l’Homme, aussi puissant soit-il, est peu fiable. Il est en effet capable de se persuader ou de se laisser persuader de n’importe quoi, utile ou pas à son existence. Comme le dit Yuval Noah Harari, l’Homo sapiens est probablement la seule espèce capable de croire à des mythes ou à des choses qui n’existent pas. Il peut aller jusqu’à tuer ou de se faire tuer pour défendre sa croyance.
Contrairement à celui des animaux, le cerveau humain recherche spontanément une raison d’être ou une explication à toutes choses. N’y parvenant pas toujours, ou du moins à convaincre tous les individus de son espèce que cette raison ou cette explication est valable, certains individus, qu’on appelle souvent des penseurs, des philosophes, voire des mystiques, s’évertuent à donner une réponse à des mystères, comme la vie après la mort. Pour cela, ils échafaudent des récits faits volontairement de symboles et de termes ambigus de façon à être compris de manières très différentes selon les circonstances. Ils donnent encore des définitions plus ou moins précises à une chose sortie de leur imaginaire, mais dont on n’a aucune preuve de leur existence, comme l’âme. Toutefois, l’explication n’est pas l’expliqué. Elle est le plus souvent une représentation imaginaire de ce qui est, ou de ce qu’on croit mais, n’étant pas dans notre dimension, ne peut être décrit rationnellement. Bien sûr, chaque visionnaire et ses adeptes pensent que leur vision est la seule valable et le plus souvent cherche à en tirer profit par un prosélytisme pur et dur. C’est normal, c’est comme ça que nous fonctionnons.
Notre civilisation, maintenant mondialisée, a été fortement influencée par la pensée occidentale, elle-même influencée par les religions des descendants d’Abraham, à savoir les textes de la Thora, de la Bible et du Coran. Dans cette pensée, l’Homme est vu comme un être supérieur à toutes autres créatures, car leur Dieu, Créateur de l’Univers, a voulu le faire à son image. Il leur dit : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui rampe sur la terre. » (Genèse I, vs, 28). Ce récit nous dit clairement que nous devons régner sur la nature, car Dieu, le tout-puissant, nous l’a mise à notre disposition. C’est peut-être la croyance en ce récit qui a contribué à ce que notre civilisation se permette de maltraiter ce qui nous permet d’exister : la biosphère. Toutefois, afin que notre espèce survive, elle devra trouver un nouveau mode existentiel qui soit beaucoup plus en accord avec les lois incontournables de la Nature, contrairement aux recommandations faites dans les textes sacrés.
Cette façon de voir les choses implique que nous allons devoir changer radicalement notre manière de penser, héritage des temps anciens, et plus les adapter aux connaissances acquises jusqu’à ce jour. Ceci revient en premier lieu à redéfinir le plus clairement possible certaines notions importantes comme celles dont on se représente la nature, l’existence de toutes choses et la vie. En effet, la signification que nous donnons aux mots influence nos pensées et notre imaginaire qui, à leur tour, régissent nos actions. Quand la signification d’un mot est ambiguë, quand il peut prendre plusieurs sens très différents, quand il est employé à tort et à travers dans le langage courant, ce mot crée obligatoirement une confusion dans notre esprit. Cette dernière peut nous conduire à des comportements absurdes. C’est particulièrement grave quand le mot en question devrait nous faire comprendre des choses de première importance pour nous, pour notre entourage et pour notre environnement. C’est le cas par exemple des mots « amour » et « aimer » ou pour des mots comme « existence », « vie » et « nature ».
Pour le mot vie, la confusion est particulièrement grande. Il existe au moins une bonne quinzaine d’interprétations du mot vie. Par la parole, et donc aussi par nos actions, il semble qu’on puisse tout faire avec elle. Nous pouvons la donner, la prendre, la reprendre, la posséder, la modifier, l’améliorer, la transformer, la faire, la reproduire, la gagner, la perdre, la détériorer… Nous pouvons encore la gratifier de tous les adjectifs comme belle, mauvaise, injuste, insupportable, artificielle… Nous lui attribuons des droits, des règles, des limites, des styles… Comment, dans ces conditions, la vie peut-elle nous évoquer un respect, une admiration ? Comment peut-on lui attribuer un aspect sacré quand notre mentale ne la traite pas différemment que n’importe quelle chose ou objet ? Nous connaissons pourtant notre comportement envers les objets : nous les adorons parfois, nous les utilisons souvent, nous les rejetons toujours sans vergogne quand ils nous encombrent ou ne nous plaisent plus. Serait-ce alors une explication du comportement aberrant de nos sociétés envers la vie ? Cette question mérite débat !
Si nous voulons changer nos mentalités afin de ne pas trop modifier notre biosphère, et ainsi protéger notre organisation sociétale, voire notre espèce, il serait peut-être utile de séparer le trivial du sacré. Par sacré, il faut entendre ici ce qui est inviolable, ce à quoi on ne touche pas sans une infinie précaution ou encore à ce qu’on respecte au plus haut point. L’existence, la vie et la nature devraient avoir un caractère sacré. Les mots qui les définissent devraient être sans ambiguïté et faire transparaître cet aspect sacré. Hélas, les mots existence, vie et nature ont déjà été trop galvaudés pour leur redonner cette propriété. Il est donc illusoire qu’une nouvelle définition de leur signification soit acceptée. Probablement serait-il nécessaire de les renommer différemment. Dans ce but, nous allons nous aventurer à proposer des définitions pour ces trois mots. Afin de les distinguer de leur signification triviale, ils seront écrits avec des majuscules
Nature
Le mot Nature sera défini ici comme l’ensemble des univers physiques et non physiques. Dans cette définition, la Nature serait tout, contenant à la fois nous-mêmes et tout ce qui nous entoure. Mais elle serait encore plus que cela. Elle serait aussi tout ce qu’on peut voir, sentir, toucher, imaginer, tout comme ce qu’on ne peut pas voir, toucher, imaginer. Elle serait à la fois les atomes et les lois qui les régissent entre eux. Elle engloberait le cosmos qu’on cherche à comprendre et peut-être d’autres univers. Elle inclurait l’espace, la matière et le temps tout comme l’énergie sous toutes ses formes. Elle serait tout ce qu’on sait d’elle et tout ce qu’on ne sait pas encore, et tout ce qu’on ne saura jamais. Nous en ferions partie intégrante, imbriqué dans un réseau d’une extrême complexité où tout est lié sans que rien ne soit plus important ou moins important que tout le reste, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, des champs de forces électromagnétiques et de gravitation, des ondes de toutes natures et de toutes fréquences et bien d’autres choses que l’Homme ne sait pas encore, sans compter tout ce qu’il ne pourra jamais savoir, car inaccessible à son intelligence et à sa sensibilité. L’observation nous montre que dans la Nature rien n’est comme avant et rien ne sera comme après. Cela veut dire que tout change avec le temps, ce qui implique une variation plus ou moins cyclique de l’ensemble des paramètres. Les pseudo-périodes de ces cycles peuvent varier entre des temps infinitésimales à considérables. La Nature serait indivisible et non mesurable dans sa globalité parce qu’elle serait d’une « dimension » autre que la nôtre. L’observation de la Nature, pour en comprendre sa beauté, est certainement une bonne chose, à condition d’avoir l’humilité de reconnaître qu’on ne voit que ce qu’on veut, ou peut en voir, et qu’on ne la verra, ni ne la comprendra jamais dans sa totalité. D’ailleurs est-il vraiment nécessaire de la comprendre objectivement pour en déceler sa beauté et d’en jouir ? Il est assurément vain d’essayer de chercher à percer ses secrets pour essayer de nous en libérer, car cela reviendrait à vouloir nous libérer de ce qui nous permet d’exister. Nous devrions plutôt regarder la Nature comme quelque chose de sacré et la respecter en tant que telle.
L’observation objective de notre seul Univers, tout comme d’autres peuples l’avaient déjà découvert intuitivement, nous a montré qu’il est fait d’une énorme diversité et d’une non moins énorme quantité de matière et d’énergie qui occupent aussi bien l’infiniment petit que l’infiniment grand, qui apparaissent, disparaissent, se transforment, se complexifient, se composent et se décomposent en des temps qui s’étendent de l’infiniment court à l’infiniment long. Notons que la notion d’espace infiniment grand ou petit, et la notion de temps infiniment court ou long n’ont de signification qu’au niveau des mathématiques et n’ont de valeur que dans un système de référence bien défini. Elles sont toutefois inappréciables par notre imagination. Peut-on imaginer ce que veut dire le nombre 10 avec quarante zéros derrière ? Les physiciens retrouvent souvent cette valeur entre les rapports de l’infiniment grand et de l’infiniment petit de plusieurs grandeurs physiques. Ces chiffres ne font que nous confirmer que la Nature n’est pas dans notre dimension, ne serait-ce que physiquement.
Existence
Le fait qu’il y ait dans la Nature apparition, disparition, transformation, conduit automatiquement à la notion d’existence c’est-à-dire de naissance, de succession d’évènements, de durée et de mort. Pour pouvoir communiquer et nous comprendre, nous sommes obligés de faire des définitions qui ne sont que des outils, des représentations pour notre pensée et n’ont de valeur que par le regard qu’on porte sur elles. Elles n’ont toutefois aucune valeur absolue.
Appelons alors « élément-type » » quelque chose qui se distingue d’une autre, qu’on peut observer dans la Nature. Cela peut être, par exemple, une particule élémentaire, un atome, une molécule, une espèce biologique, une étoile, une galaxie, un univers, une onde, un parfum, voire un sentiment ou un phénomène extra sensoriel. L’observation suggère que tous les « éléments-types » ont la spécificité d’apparaître en tant que tels, de suivre une évolution qui leur est spécifique avant de disparaître pour se transformer en un ou plusieurs « éléments-types » de natures différentes. Le temps qui sépare l’apparition d’un « élément-type » et sa disparition en tant que tel peut aller d’une fraction de milliardième de seconde à des multiples de milliards d’années.
On définira alors l’Existence comme le processus évolutif plus ou moins complexe d’un « élément-type » entre son apparition en tant que tel et sa disparition. Un « élément-type » donné est formé d’un nombre plus ou moins grand d’éléments présentant les mêmes caractéristiques, du moins à nos yeux. L’observation objective nous indique encore que tous les « éléments-types » sont intimement liés entre eux. Ils ne peuvent exister par eux-mêmes, pour eux-mêmes. Tous dépendent de l’Existence des autres. Des « éléments-types » à structure identique peuvent se combiner entre eux et donner un autre « élément-type ». Ils peuvent aussi se combiner avec plusieurs autres sortes d’« éléments-types », pour former des ensembles, des agrégats plus ou moins complexes ayant leur propre Existence. Ces derniers, en fin d’Existence, se désagrègent pour donner des agrégats d’« éléments-types » plus élémentaires qui se recombineront avec d’autres pour former d’autres agrégats complexes, et cela continuellement, à des rythmes différents. Ces cycles d’apparition, de transformation et de disparition ont fait l’objet d’un théorème célèbre qui dit que « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme (à des vitesses très différentes) et tout est lié (avec différents types de liaisons, plus ou moins fortes et plus ou moins directes ». Par exemple, un être biologique est formé d’un ensemble d’autres êtres biologiques (les cellules, les organes, etc.) eux-mêmes formés d’agrégats d’« éléments-types » différents (des protéines, des acides aminés, des enzymes, des hormones…). Tous ont leur propre Existence, leurs propres transformations. Tous sont liés les uns aux autres à l’intérieur comme à l’extérieur de l’agrégat par des relations d’une grande complexité. Cela signifie que tout cet être biologique est en constante transformation pendant son Existence et ne peut exister sans l’Existence de tous les autres à l’intérieur comme à l’extérieur de son être. Il en va de même quand on considère une population d’individus, un ensemble d’espèces biologiques, une galaxie, notre biosphère, etc. Nous, les humains, avons donné des noms à ces observations : on parle de naissance, de maturation, de vieillissement et de mort. Tout évolue. Rien n’est statique. Tout retour en arrière est impossible.
Voilà pour l’Existence ! Et la Vie dans tout ça ? Que serait-elle ? Pour la Science traditionnelle, la vie constitue la propriété essentielle des êtres organisés, définie par l’ensemble des phénomènes que sont la nutrition, l’assimilation, la croissance et la reproduction, communs à tous les organismes, des plus élémentaires à l’Homme, et qui s’expriment de la naissance à la mort. Dans le concept proposé ici, le monde du vivant serait dans la Nature un sous-ensemble d’« éléments-types » qui se limiterait aux seuls êtres biologiques organisés. Pour la Science classique, la matière dite inerte n’a pas de vie, bien qu’elle reconnaisse que la frontière entre matière vivante et inerte est plutôt floue. Elle reconnaît en plus que la matière dite vivante ne peut l’être sans la présence de la matière inerte. Pourquoi alors ne pas alors donner au mot Vie une portée plus universelle ? Voici une proposition :
Vie
Ainsi, on peut considérer la Vie comme le principe qui régit l’ensemble des transformations au sein d’un « élément-type » ainsi que toutes les transformations d’ « éléments-types » en d’autres « éléments-types ». Elle serait ce qui relie tout à tout. Ce serait par Elle que la complexité des « éléments-types » irait croissante. Elle serait l’essence même de la Nature et par conséquent serait indissociable des Existences. Si on accepte cette définition, on en tire les conclusions suivantes : Alors qu’une Existence est plus ou moins éphémère, la Vie est en revanche permanente et ne peut disparaître. Selon cette façon de voir, nous ne pourrions ni donner, ni perdre la Vie. C’est le contraire. C’est Elle qui engendre et transforme physiquement, biologiquement, psychologiquement nos Existences. C’est donc Elle qui les fait apparaître et disparaître. La Vie et la Nature sont d’essence sacrée. Elles sont toutes deux d’une « dimension » supérieure à toute Existence, et bien sûr à la nôtre en particulier. Toute Existence peut agir, jusqu’à un certain point, sur sa propre Existence et sur celle des autres. Ce n’est pas une exclusivité humaine sauf que, dans notre cas, notre intellect et notre ego nous font croire que nous pouvons passer outre au principe de Vie et faire ce qu’on veut. Le vraisemblable est que nous nous illusionnons. En cherchant à agir sur les Existences dans le seul but de satisfaire notre volonté ou notre ego, nous ne faisons rien d’autre que de déranger un certain équilibre et troubler temporairement une harmonie naturelle, ce qui n’est bien sûr pas toujours sans conséquence, soit immédiate, soit à terme. Certes, nous pouvons agir sur des Existences mais, en ce qui concerne le déséquilibre et les conséquences qui en résultent, nous n’avons plus aucun contrôle. Nous ne pouvons que subir.
Il n’est pas impossible que ce qui est défini ici par les mots Nature, Existence et Vie soient en fait des représentations arbitraires d’éléments diffus, complexes, intriqués à l’extrême pour ne former finalement qu’une seule Entité, impossible à appréhender dans son ensemble. Nous ne pouvons qu’en jouir, si nous savons en prendre conscience et décoder les signaux variés et subtils qu’Elle nous envoie. C’est en se fondant en Elle, en étant à son écoute sans analyse, sans ego, sans chercher à refouler ses signaux ni se les faire interpréter par qui que ce soit, que nous avons le plus de chance d’être envahi de sentiments irrationnels, non ambigus tel par exemple une sympathie ou une bouffée de bonheur. Plus nous sommes en phase avec l’Entité, plus notre instinct devrait se développer et plus nous devrions être capables de connaître ce que Jiddu Krisnamurti appelle les visions fulgurantes. Il n’est pas impossible que des êtres particulièrement sensibles soient même capables d’expérimenter des prémonitions ou des transmissions de pensées ou de développer une forme de contrôle entre le corps et l’esprit. Chercher à disséquer et contrôler le pourquoi et le comment de ces signaux serait le plus sûr moyen de les rendre illisibles. Probablement que la meilleure façon de les capter est d’avoir un cerveau en état de complète relaxation, libre de toutes pensées, dépourvu de stress de quelque nature que ce soit pour se trouver en osmose avec l’Entité.
C’est malheureusement l’inverse qui a été institué par les civilisations tant par l’éducation laïque que religieuse qui parasitent les signaux de l’Entité. Quand ce qui est enseigné ne va plus dans le sens de l’éveil à la compréhension de notre environnement, au sens large du terme, mais impose l’acceptation de dogmes indiscutables alors, nous avons là le plus sûr moyen de court-circuiter les signaux de l’Entité. En cherchant à dominer la Nature et à la façonner à notre bon vouloir, nous construisons un monde parallèle, virtuel, intellectuel, de plus en plus détaché de l’Entité. Les racines qui nous rattachent à Elle mentalement deviennent alors de plus en plus minces et fragiles. Nos pertes de contact avec l’Entité désorientent à tel point notre mental et nos actions que notre espèce se trouve alors en danger. Il n’est peut-être pas encore trop tard pour lui redonner une santé et sauver notre espèce à la dérive. Pour cela nous devrions commencer à admettre que nos Existences humaines, comme toutes les autres d’ailleurs, font partie intégrante de la Nature et de la Vie et que nous devrions considérer ces dernières avec humilité et respect.
Notons qu’il est inopportun de faire de l’anthropomorphisme au sujet de l’Entité car, de toute évidence, nous ne pouvons lui prêter d’intention, de but, de volonté, de colère, de destinée, de bonté ou de malveillance, de jugement, de vengeance ou de punition. Devrions-nous alors attribuer ces traits si humains à son Créateur, si même le terme créateur n’est pas déjà un anthropomorphisme. Quoi qu’il en soit, si nous admettons que l’Entité n’est pas dans notre « dimension », alors il nous faut accepter que son Créateur soit d’une « dimension » encore supérieure. Lui attribuer nos petits travers est une sorte de blasphème. Et puis, en ce qui concerne notre Existence sur cette Terre, est-il raisonnable de vénérer le Créateur de la Nature et simultanément traiter son œuvre avec tant d’irrespect ? Peut-être serait-il temps de réapprendre les “lois” de la Nature et de la Vie pour les considérer enfin comme valeurs sacrées. Elles nous laissent suffisamment de degrés de liberté pour faire de nos propres Existences ce que nous aimerions qu’elles soient. Notre mentalité ne pourra pas changer, nos Existences ne pourront pas s’améliorer, notre biosphère ne pourra pas nous accepter encore longtemps si nous ne réapprenons pas à faire bon usage de notre cerveau et diminuer fortement notre ego.
Que nous apporte de plus cette façon de concevoir Nature, Existence et Vie ?
Le concept de Nature-Existence-Vie exprimé ici n’est pas moins vrai, ni plus vrai que toutes les autres définitions qui sont faites dans cette direction. De plus, il n’a pas la prétention d’être original car il se retrouve en partie dans la conception du monde des Amérindiens ou dans celui des écrits de Lao Tze. Dans une certaine mesure, il est en accord avec ce que nous font entrevoir les observations scientifiques dans différents domaines.
Ce concept ne représente pas la vérité absolue qui nous restera toujours cachée. Il est toutefois plus propice à nous aider à diminuer notre ego, accroître notre humilité envers la Nature et nous persuader qu’on ne peut pas vivre sans les autres, tous les autres, les étoiles, les cailloux, les molécules, les bactéries, les poissons, les végétaux, tout, strictement tout ce qui compose notre environnement, sans que rien ne soit plus important ou moins important, plus beau ou moins beau, plus noble ou moins noble. Tous sont d’ailleurs indissociables à notre Existence et pour cette raison doivent être respectés. Nous ne pouvons rien y faire, c’est comme ça et c’est tant mieux.
Ce concept est intéressant pour au moins cinq raisons :
1°) Il ne divise pas le monde en deux valeurs opposées, le bien et le mal, le beau et le laid, le bon et le méchant, l’utile et l’inutile, le vrai et le faux, le « moi » et le « non- moi », le « nous » et « eux », sujets de tant de désaccords parmi les humains. L’observation objective de la Nature nous montre que notre monde n’est pas un système bipolaire mais plutôt un continuum d’enchevêtrements complexes où tout est lié, tout agit sur tout, avec de multiples rétroactions transformant en permanence notre monde. Nous faisons partie d’un tout, nous agissons sur tout et le tout agit sur nous. Nous ne sommes pas seuls dans l’Univers !
2°) Il suggère que nous ne venons pas du néant et que nous n’y retournons pas, autre sujet d’angoisse pour certains. Avant notre naissance, pendant notre Existence et après notre mort, nous sommes toujours part de la Nature. On a pu naître et exister parce que d’autres Existences ont disparu. La fin de notre Existence se transforme en d’autres Existences dans un processus appelé Vie. Peu importe si une Existence a été jugée par d’autres Hommes comme brillante, terne, utile ou désastreuse. Elle se transformera de toute façon en d’autres Existences d’« éléments-types », sans qu’aucune d’entre elles ait une valeur différente dans le contexte de la Nature.
3°) Il suggère que respecter la Vie revient à respecter toutes Existences, c’est-à-dire toutes choses et tous êtres, nous compris, non pas pour une récompense divine post-mortelle, mais pour notre bien-être immédiat dans un milieu globalement harmonieux.
Le terme respecter la Vie est difficile à comprendre et même à définir. Respecter, ne veut pas dire nécessairement suivre des lois civiles ou religieuses. Respecter ne veut pas dire non plus ne pas tuer ou faire le bien à la place du mal, car la Nature nous montre que tuer et détruire sont partout dans le réseau trophique et que, dans ce réseau, ce qui fait du bien à l’un, fait du mal à l’autre.
C’est comme ça, il faut l’accepter. Respecter la Vie signifierait plutôt ne rien faire qui soit l’objet d’une action volontaire issue d’une influence de l’ego, de l’orgueil, d’une pensée, d’un désir, d’un but qui pourrait tôt ou tard déstabiliser l’équilibre ou l’harmonie naturelle. Le respect est la base fondamentale de l’harmonie. Bien sûr, pour nous, Hommes civilisés qui avons exactement agi de manière opposée pendant des millénaires, ce concept est extrêmement difficile à concevoir et encore plus à accepter comme à pratiquer. Dit d’une autre manière, ce principe suggère de ne pas chercher à tous prix à faire le bien, ou le mal, car nous ne savons pas ce que c’est d’une manière absolue. Il préconise plutôt d’essayer de se fondre dans l’harmonie du milieu en étant aussi attentif, aussi vigilant à soi-même qu’à tout son entourage, tant humain qu’aux autres espèces biologiques et qu’à l’environnement tout entier.
Le terme harmonie est aussi difficile à comprendre et à définir. L’harmonie n’est pas une constante mais est, au contraire, faite de diversités et de contrastes qui doivent nécessairement fluctuer à l’intérieur d’une marge indéfinissable et d’ailleurs variable, mais qui font que l’ensemble soit ressenti comme harmonieux. Ce n’est pas quelque chose qui s’explique et s’analyse logiquement, parce que c’est une notion diffuse, subjective, changeante. L’harmonie n’exclut ni le malheur, ni le bonheur, ni le plaisir, ni la souffrance, ni la mort puisque ces états sont indissociables de l’Existence. On est probablement dans l’harmonie quand la fréquence, la répartition et le niveau de ces états sont ressentis par l’ensemble et sur la durée comme naturels, comme acceptables, comme en phase avec l’environnement. L’harmonie disparaît quand on cherche à provoquer, à priver, à favoriser un de ces états par la contrainte ou la violence, comme c’est le cas dans une société en révolution sanguinaire ou en guerre, tout comme dans une société qui détruirait sciemment son environnement naturel pour son bénéfice immédiat. Il y a encore dysharmonie quand les valeurs qu’on attribue aux membres d’une communauté sont trop disparates. Par exemple, jamais un individu ne peut se prétendre des centaines de fois supérieure à un autre et être récompensé comme tel. C’est, dans le concept présenté ici, une aberration de la pensée, une déconnexion totale avec les lois de la Nature, une cassure de l’harmonie, en bref, une pathologie grave qui nuit tout autant à l’individu qui en souffre qu’à son environnement. Dans un couple, une famille, un petit groupe d’individus, l’harmonie échappe à toute recette, à toute règle précise autre que celles qui ont déjà été discutées. L’harmonie est dans ce cas plutôt quelque chose qui se ressent, qui fait appel à la fois à nos cinq sens et à l’attention pudique mais bienveillante qu’on porte sur les autres, au refus de préjugés et de certitudes. Pour être dans l’harmonie, il faut un cerveau déstressé, sans anxiété, débarrassé de son ego, libre de toutes contraintes intellectuelles ou idéologiques pour entrer quasiment en symbiose avec son environnent, prêt à jouir et à partager cet état de grâce qu’est l’Existence sur notre belle planète bleue.
Hélas nos sociétés modernes nous empêchent d’atteindre l’harmonie et même nous en éloignent toujours plus.
Happées par un “cyclone d’activités ” engendré par la spirale travail-production-consommation, les populations deviennent de plus en plus hyperactives et névrosées. Dès lors elles n’ont plus le temps d’écouter leur petite « voix intérieur » qui leur permettrait de lire les signaux subtils de l’Entité, les aidant ainsi à atteindre l’harmonie. Cette situation ne s’arrêtera vraisemblablement que lorsque ce “cyclone” dévastateur se sera auto-épuisé, laissant derrière lui une humanité en état de choc
4°) Il est une exaltation à la diversité. Ce qui fait la beauté de la Nature est sa diversité, son changement continuel. Il en va tout naturellement de même pour les êtres humains. Ce qui fait la richesse de l’humanité, est justement la diversité de ses individus et de ses populations. Le processus de mondialisation auquel on assiste de nos jours est malheureusement en train de détruire cette richesse parmi tant d’autres. Ce qui fait encore la richesse d’une population donnée, est entre autres la diversité du savoir, du caractère, du courage, des croyances, des cultures, des capacités novatrices de l’imagination, de la créativité, de la sensibilité, de la sensualité de chacun de ses individus. Il n’y a pas nécessité à faire des sous-groupes d’individus en termes de qualités, de défauts, de valeurs. Premièrement ce qui peut sembler être un défaut pour l’un, devient une qualité pour l’autre. Il en va de même pour juger de l’importance de la valeur de quoi que ce soit et de qui que ce soit. Ces valeurs n’ont de sens que dans un contexte donné, c’est-à-dire par rapport à quelque chose de précis et de plus, du regard qu’on porte sur la chose et les individus. Est-il nécessaire de classer la diversité en éléments, de les hiérarchiser par rapport à leur valeur ? C’est un exercice à la fois difficile, dangereux et inutile. Étant donné que tout est lié, que tout agit sur tout, comment pourrait-on dire qu’un élément est supérieur à un autre sans tenir compte des interactions de chacun. Le genre masculin et le genre féminin sont nécessairement différents car complémentaires mais il est impossible de déterminer la supériorité de l’un sur l’autre. Le masculin n’est rien sans le féminin et réciproquement. Et puis, en plus, à quoi sert-il de faire des classements à part exciter notre ego, créer des frustrations, des injustices, des incompréhensions, des erreurs et des disputes qui font tout notre malheur. Notre Existence sur Terre pourrait en effet être délicieuse si on avait l’intelligence de savoir en jouir, de savoir partager les moments agréables et ceux qui le sont moins. De ne pas vivre aux dépens de l’autre mais avec l’autre, aussi bien les bons que les mauvais moments. D’accepter l’autre dans sa diversité, dans sa différence ce qui fait la richesse d’une famille, d’une communauté, d’une population. Une société harmonieuse est une société tolérante bien que non laxiste, permettant un épanouissement de ses individus en leur imposant un minimum de barrières, d’interdits, de préjugés, de classements qui sont tous à l’origine de peurs, de blocages psychiques, de pertes de confiance en soi et en l’autre, de méfiance, de jalousie, de violence, bref de tout ce qui rend l’Existence si difficile.
5°) Il nous invite à vivre pleinement le moment présent. Si on accepte que tout se transforme, alors rien n’est statique ni définitif. Si on accepte que la Nature soit évolutive, on doit alors admettre qu’il n’y a pas de réversibilité, pas de retour en arrière. Cela veut dire que rien ne sera vraiment comme avant et rien n’est vraiment comme après. Seul le présent devrait compter. C’est une règle de la Nature, qu’il nous faut encore accepter.
Mais qu’est-ce que le moment présent ? On ne peut pas toujours le mesurer physiquement en unité de temps car nous ne possédons qu’un type d’horloge : l’horloge analogique qui compare un laps de temps avec un autre choisi comme étant un sous-multiple du temps que met la Terre à tourner sur elle-même. C’est pratique mais on sait, par expérience, que le temps s’écoule différemment selon que l’on s’ennuie, qu’on est dans l’attente de quelque chose d’important, que l’on est dans la joie ou dans la souffrance. Outre le temps psychologique, on peut encore y ajouter le temps physiologique, c’est-à-dire le temps qui mesure la vitesse à laquelle notre corps et notre mental vieillissent. On n’a pas d’horloge pour ça. Notez en plus que ces temps interagissent aussi entre eux comme tout le reste dans la Nature, ce qui rend le problème de sa mesure encore plus scabreux. Reste une autre difficulté. Quand devrait-on déclencher le chronomètre du moment présent et quand devrait-on l’arrêter, si même on avait le chronomètre adéquat. Se poser ces questions est sans grand intérêt sinon montrer que le moment présent est une notion floue, se situant entre le passé immédiat et le futur proche. La notion du temps passé est aussi une illusion de notre intellect, une rémanence de notre mémoire qui a tendance à stopper le temps sur un moment particulier. Le temps futur est aussi une illusion du même genre, une projection modifiée du passé vers le futur grâce à notre imagination. Dans les deux cas, le temps est bloqué, il ne s’écoule plus. Mais on ne peut pas arrêter le temps, c’est une loi de la Nature. Si des souvenirs nous réchauffent le cœur et si des projets nous enthousiasment, c’est très bien, à condition qu’on ne s’y attarde pas trop et qu’on accepte que ce ne soit parfois que douces illusions. Si, en revanche, on les cultive trop, on s’y attarde trop, ils peuvent devenir fixation et nous emmener vers la névrose, nous empêchant alors la pleine jouissance de l’Existence. C’est donc à éviter.
Alors vivre le moment présent, ça veut dire quoi ? La réponse pourrait être « vivre en phase avec l’harmonie du moment, être à l’unisson avec tout ce qui nous entoure, sans vraiment chercher à comparer, à modifier, à analyser, à juger » Ceci signifie qu’il est impossible de vivre le moment présent dans la souffrance, dans une ambiance agressive et stressante. Ne pas laisser les individus vivre le moment présent est équivalent à les empêcher de vivre pleinement. C’est encore une autre raison pour laquelle les dirigeants de nos sociétés devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir afin que chacun puisse avoir une existence harmonieuse. C’est tout le contraire de ce qui se passe maintenant.
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