Parlons un peu d’énergie.
Rappelons qu’il n’est pas possible de créer de l’énergie à partir de rien. Il n’est possible que de transformer une forme d’énergie en une autre.
Notre planète reçoit de l’énergie sous différentes formes. Les deux dominantes sont :
1°- l’énergie provenant directement du Soleil.
2°- celle indirecte provoquée par la force de gravitation due à la masse terrestre et, dans une moindre mesure, de celle de la Lune.
Il en existe une troisième de moindre importance, mais tout de même non-négligeable : c’est la chaleur du noyau de la Terre dont la température varie entre 3 800 °C et 5 500 °C suivant la profondeur. À la base de la croûte continentale, la température reste encore de l’ordre de 1100 °C.
Ensemble, en combinaison avec la biosphère, ces énergies de base se présentent sous la forme d’énergies dites primaires comme le vent, les chutes d’eau, les marées, la chaleur géothermique, les matières organiques fossilisées telles le pétrole, le gaz et le charbon et enfin les matières fissiles comme l’uranium venant des poussières d’étoiles qui ont formées la Terre.
La biosphère contient aussi une forme d’énergie particulière, entretenue par l’énergie solaire et que nous pourrions appeler « énergie biophysique interne (ebi) » Bien que non-mesurable, elle est primordiale, car elle est nécessaire à tout être vivant. Cette énergie est à la base de la chaîne alimentaire sans laquelle aucune espèce biologique, homo sapiens compris, ne pourrait exister. En fait, c’est la seule énergie dont on ne peut pas se passer directement. Elle nous offre strictement tout ce dont on a besoin pour vivre, la nourriture, l’eau, la protection contre le froid ou le chaud et contre la plupart de nos prédateurs. D’où l’extrême importance de respecter notre biosphère et son énergie interne si nous ne voulons pas mettre en danger un grand nombre d’espèces, dont la nôtre, toutes liées par la chaîne alimentaire.
Pendant plus de 200 000 ans, nous les Homo Sapiens, tout comme les autres espèces, avons existé grâce à l’énergie biophysique interne de la biosphère. Il y a environ 10 000 ans, certains esprits ont voulu chercher d’autres formes d’énergie. Toutefois, ces pionniers de la technique ne se sont pas rendu compte que la « domestication » de ces nouvelles formes d’énergie se ferait aux dépens de l’énergie biophysique interne. Ce que le génie technique humain allait nous apporter en confort, en sécurité, en prestige et aussi en puissance destructrice, allaient se payer au niveau des éléments vitaux indispensables à toutes les espèces peuplant la biosphère. Mais pourquoi s’en inquiéter puisque « notre Père qui es aux Cieux » nous dit : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui rampe sur la terre. » (Genèse I, vs, 28).
Chercher à utiliser les énergies primaires que nous offre généreusement la Nature, comme le vent ou les chutes d’eau, dans le but de les exploiter pour augmenter notre puissance d’actions est très tentant. Mais très vite, le génie humain s’est aperçu que les énergies primaires ne pouvaient être utilisées directement. Pour qu’elles le deviennent, il fallait construire des systèmes techniques permettant de les transformer en des énergies utiles à l’Homme. Mais cela requiert beaucoup d’énergie et de matière qu’il n’est pas possible de trouver directement dans la Nature. Ces dernières devront aussi être transformées, ce qui va demander un supplément d’énergie et de matière et ainsi de suite. Où allait-on trouver toutes ces énergies, toutes ces matières ? Obligatoirement dans et autour de la biosphère sans vraiment se rendre compte que ce sera à ses dépens et à nos dépens si nous exagérons, si nous ne savons pas nous limiter. Le problème central se situe justement là. Notre orgueil, notre irrespect envers tout ce qui ne nous appartient pas, nous pousse à l’exagération, à la mégalomanie, à l’insatisfaction permanente. C’est dans notre façon de penser et donc d’agir que se trouve la source de tous nos problèmes. Nous reviendrons sur cette pathologie pour le moment incurable.
Mais, puisqu’ il nous faut dépenser une certaine quantité d’énergie pour en obtenir une qui nous soit particulièrement utile, il nous faut considérer l’énergie nette de l’opération. Cette dernière est définie comme la quantité totale d’énergie utile que l’appareil de transformation d’énergie primaire sera capable de produire au cours de son existence, moins la somme du total de toutes les énergies utiles qu’il aura fallu investir pour construire, entretenir, démonter et recycler cet appareillage une fois vétuste. Cette énergie nette est en général ignorée ou tout au plus largement sous-estimée par nos sociétés, sauf en partie dans la facture de l’unité d’énergie utile que le producteur fera payer à ses consommateurs. Au point de vue du bilan total énergétique, l’énergie nette devrait tendre vers zéro, voire être carrément négative, si on devait inclure l’énergie nécessaire pour réparer, même partiellement, les dégâts portés à la biosphère pour la construction et l’utilisation de l’énergie apportée par ces générateurs d’énergie utile. En faisant semblant de l’ignorer, la biosphère se dégrade lentement, mais sûrement. Mais qu’on ne se méprenne pas. Tôt ou tard nous devrons en subir les conséquences.
Transformer une énergie primaire en une énergie utile crée automatiquement de la pollution. Une des raisons est qu’aucun des systèmes transformant des énergies primaires en énergies utiles n’a un rendement de 100 %. C’est une chose que la Nature ne permet pas. Il faut alors s’attendre à des pertes qui représentent toujours des nuisances pour notre propre système et qu’on appelle pollution.
La pollution la plus décriée par les écologistes est celle provenant de la combustion, nécessairement incomplète, de combustibles que sont la biomasse mais surtout des biomasses fossilisées à savoir pétrole, gaz et charbon qui couvre 80 % de notre consommation énergétique actuelle. Cette pollution apparaît sous forme de fumées blanches, noires ou brunes qui sortent de nos cheminées et des pots d’échappement de nos véhicules. On la voit et on la sent. C’est ce type de pollution qui retient alors toute l’attention de nos sociétés, car elle émet des particules fines et des gaz à effet de serre. On attribue aux premières toute sorte de maladie et aux deuxièmes les changements climatiques qui toutes deux impactent directement la qualité de nos existences.
Mais outre cette pollution visible, il existe d’autres agressions à la biosphère, plus sournoises mais bien plus importantes que nous cherchons par tous les moyens à ne pas voir, car cela nous obligerait à remettre en question toute la philosophie de notre civilisation. Ainsi, bien qu’elles soient nettement plus importantes que l’agression directe due à la combustion incomplète de matières fossiles, elles n’attirent pas l’attention des écologistes, ni l’ensemble de la société, car elles font partie intégrante de notre mode de vie et de ce qu’on appelle le progrès. Personne ou presque n’a intérêt à s’attarder sur ces agressions, d’autant plus qu’elles concernent tous les types d’énergies, que ce soit du fossile, du nucléaire, du solaire, de l’éolienne, de la géothermie, de la biomasse ou autres.
Ces atteintes à la biosphère proviennent de deux actions principales :
La première provient de la production d’énergie utile et donc de la construction de l’appareillage ou des machineries qui serviront à transformer une énergie primaire donnée, quelle qu’elle soit, en une énergie utile sous la forme voulue.
La deuxième provient de l’utilisation de toutes les énergies utiles.
Ces deux formes de nuisance impactent directement l’état de la biosphère. Si la production d’énergie utile perturbe l’équilibre de la biosphère, son utilisation la perturbe encore plus. (réf 1, 2, 3). Elle est à la base de la spirale travail-production-consommation. Elle la perturbe par ses activités agricoles, industrielles, domestiques, logistique, touristiques, financières, guerrières, etc. Elle la perturbe en construisant des mégapoles, en bétonnant des zones naturelles, en canalisant des rivières, en détruisant des forêts, des terres arables, des zones humides, etc. Tout ce qui est produit industriellement se retrouve tôt ou tard sous forme de déchets dans l’environnement parce que Lavoisier l’avait déjà dit, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Mais quand il s’agit de produits industriels, cette transformation, même s’il y a recyclage, se fait au détriment de l’environnement. Voir plus de détails dans le chapitre 3 de mon livre ainsi que dans d’autres textes (réf 1, 2, 3) que j’ai écrit il y déjà quelques années.
En résumé et contrairement à ce que certains lobbies essayent de nous faire croire, il n’y a pas d’énergie utile « propre », même si on leur attribue la couleur verte.
Les dégâts subis par la biosphère sont donc proportionnels au cumul de la quantité d’énergie primaire transformée en énergie utile, ainsi qu’au cumul d’énergie utile consommée quel que soit le type d’énergie utilisée.
En conséquence, remplacer les énergies fossiles par d’autres formes d’énergies, comme le propose l’Accord de Paris, est non écologique puisque c’est le total des activités humaines passées et présentes, soutenues par les énergies utiles, quelles que soient leurs origines, qui modifient notre biosphère et donc aussi notre climat.
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1 Effondrement puis métamorphose de J. Niederer pages 281-290, http://www.inlibroveritas.net/fullscreen/29158
2 https://www.durabilitedudeveloppementdurable.com/quelles-seraient-les-conseacutequences-si-le-geacutenie-humain-eacutetait-toujours-en-mesure-de-satisfaire-le-monde-pour-ses-besoins-eacutenergeacutetiques.html
3 https://www.durabilitedudeveloppementdurable.com/quels-sont-les-risques-encourus-par-notre-civilisation-si-lrsquoindustrie-mondiale-eacutetait-incapable-de-satisfaire-les-besoins-mondiaux-en-eacutenergie.html
Comments (2)
Super intéressant!
Donc si je comprends bien:
énergie utile = énergie primaire + énergies et matériaux pour sa transformation + dégradation environnementale.
A cause de notre modèle économique plutôt antiéconomique, le prix de cette énergie utile est en train de devenir excessif, car il “bouffe” la biosphère.
On peut se poser la question: quel pourcentage de cette “énergie utile” est utilisée effectivement pour un travail utile, à savoir la satisfaction de nos besoins fondamentaux?
Autrement dit: Quel est -selon vous, Jacques – à peu près le pourcentage du gaspillage dans la totalité de l’énergie utile utilisée?
Cet ordre de grandeur donnerait certainement une idée sur combien “économique” est notre économie…
Merci d’avance de votre réponse!
Bob
Bonjour Bob. Merci pour votre commentaire.
C’est bien que vous parliez d’énergie utile, car je voulais justement faire une petite note à ce sujet pour mes lecteurs.
Les technos sciences, les producteurs d’énergie, les économistes ont une définition pour le terme énergie utile. Ils ont même développé des équations pour la calculer. Elle est en gros la suivante : “l’énergie utile est la part d’énergie finale réellement exploitée pour répondre à un service précis”. Pour plus de renseignements à ce sujet voir ici1.
Dans mon livre destiné au grand public, j’ai voulu éviter de rentrer dans ces détails pas nécessaires pour le message que j’aimerais faire passer. Ainsi, quand j’emploie le terme d’énergie utile, cela correspond simplement à une énergie exogène (c’est-à-dire une énergie dans laquelle n’est pas prise en compte l’énergie de nos muscles et de notre cerveau) provenant de la transformation d’une énergie donnée en une autre, grâce à une machinerie imaginée par le cerveau humain.
L’idée d’utiliser une énergie exogène pour faciliter notre existence n’est pas un mal en soit, bien au contraire. Tout est dans la mesure.
Quand par exemple un insulaire d’une petite île du pacifique utilise l’énergie primaire du vent pour aller pêcher un peu plus au large, là où le poisson est plus gros et meilleur, il construit une pirogue à balancier. Il utilise le bois d’un arbre pour faire la coque, le balancier et le mât et des fibres végétales pour faire la voile et les cordes. Ce faisant, il a construit une machine lui permettant d’économiser ses muscles grâce à la transformation d’une énergie primaire (le vent), en une énergie qui lui soit utile, qui facilite son quotidien, à savoir la propulsion de son embarcation. Le bois, les fibres végétales, il les a prises sur son biotope (qui appartient à la biosphère). Il ne l’a pas mis en danger pour autant.
Si par contre, influencé par l’état d’esprit des hommes civilisés, il venait à l’idée de ces insulaires de construire une pirogue par personne, d’en faire des petites et des grandes, des plus belles que d’autres, certaines pour la pêche, d’autres pour le loisir ou la compétition, d’autres encore pour épater les copains, il leur viendrait aussi à l’esprit de proposer à chacune et chacun de changer de modèle chaque année. Au bout d’un moment, la petite île deviendrait inhabitable, car son biotope se dégraderait progressivement tout comme la mentalité de ses insulaires. L’harmonie que ces insulaires avaient autrefois avec leur environnement serait rompue. Bref, une catastrophe pour eux.
Ainsi, le génie technique humain conduit l’Homme civilisé à perdre ses racines avec le Terre-Mère. Lentement, progressivement, sans même qu’il en prenne conscience, l’Homme se détache inexorablement de la biosphère alors que c’est elle qui lui permet d’exister. Cela conduit au désastre. Ce n’est donc pas la transformation d’une énergie primaire en une énergie utile qui soit condamnable, mais bien la transformation de l’acceptation des lois de la Nature en une mentalité où règne l’insatisfaction permanente, l’orgueil, l’ego, la compétition, etc. S’ajoute à cela l’esprit binaire justicier comparant constamment, avec un regard déformé, ce qui est beau et ce qui est laid, ce qui est juste et ce qui est faux, ce qui est mal et ce qui est bien, etc. pour en faire des dogmes indiscutables.
Ainsi, à votre question : « Quel pourcentage de cette “énergie utile” (mondiale actuelle) est utilisé effectivement pour un travail utile, à savoir la satisfaction de nos besoins fondamentaux ? », je répondrais ceci : dans nos sociétés modernes, notre consommation d’énergie utile n’est plus de satisfaire nos besoins fondamentaux (je me demande même si nous savons encore ce que c’est.). Elle est plutôt pour satisfaire des orgueils, des egos, des besoins de puissance, bref que des choses malsaines pour l’esprit et pour la survie de notre civilisation. Ce qui devait être utile est devenu carrément dangereux. En conséquence, ce pourcentage, non-calculable, est à vue de nez proche de zéro. Par contre, dans le cas de l’image de l’insulaire qui a construit sa pirogue à balancier dans le but de faciliter sa contribution à nourrir physiquement sa communauté, la réponse serait 100 %.
Les problèmes auxquels font face nos sociétés modernes ne sont pas des problèmes techniques du genre comment consommer moins, quelle énergie utiliser, comment réduire nos déchets, comment recycler nos appareils devenus vétustes, comment améliorer notre agriculture, etc. Toutes ces approches risquent d’aggraver un peu plus la situation en permettant encore plus d’activités humaines. Personnellement, je pense que le fond du problème est plutôt comment améliorer notre mental, notre façon de penser qui guide nos actions. J’ai toutefois de très gros doutes que nous puissions opérer un tel changement à l’échelle mondiale. Si même seules quelques régions pouvaient y parvenir alors, la différence de penser engendrerait très certainement des guerres idéologiques. Nous ne serions pas avancés.
In fine, comme d’habitude, je pense que ce sera la Nature, que nous avons tant méprisée jusque-là, qui aura le dernier mot. C’est elle qui fera de sorte que notre civilisation se délite et avec elle notre façon de penser. C’est seulement à partir de là que tous les espoirs seront permis. J’imagine que nous ne sommes pas tous prêts à accepter ce message. Mais quel autre choix avons-nous ? À débattre !
1 https://www.totalenergies.fr/particuliers/parlons-energie/dossiers-energie/comprendre-le-marche-de-l-energie/qu-est-ce-que-l-energie-utile-et-comment-la-calcule-t-on