La démarche scientifique est-elle appropriée pour comprendre pleinement la Nature et notre environnement ?

L’esprit scientifique se caractérise par la faculté de faire des raisonnements logiques et analogiques. Ce type d’esprit est particulièrement à l’aise dans les systèmes compliqués, mais moins dans les systèmes complexes. (Voir la définition et la différence que je fais entre un système compliqué et un système complexe dans l’annexe B de mon livre Civilisation, biosphère et climat et aussi dans mon blog du 17 février 2023.)

Pourquoi ? Parce que, dans leur ensemble, les systèmes complexes échappent à toute logique. La logique a horreur du flou. Pourtant, ce dernier semble être la caractéristique principale de tout système complexe comme la Nature, la biosphère, l’ensemble de tout être vivant et de leur organisation sociétale. Pour contourner cet obstacle, la pensée logique essaye de simplifier au maximum ces systèmes complexes en les ramenant à des systèmes binaires, beaucoup plus satisfaisants pour un esprit logique. Il est, en effet, plus facile d’apporter des explications nettes et précises, voire d’établir des démonstrations mathématiques vues comme des preuves indiscutables, lorsqu’il a été clairement défini au préalable ce qui est réel et irréel, vrai et faux, bien et mal, bon et mauvais, naturel et surnaturel, rationnel et irrationnel, positif et négatif, cause et effet, etc. En réfléchissant bien, nous devons reconnaître que ces définitions ne sont jamais parfaitement nettes. Elles comportent toujours un flou qui dépend du regard qu’on porte sur la chose, regard lui-même dépendant d’un grand nombre de facteurs émotionnels, coercitifs et tous ceux liés à la sensibilité et à l’éducation de chacun. C’est probablement ce qui fait que les esprits non-logiques ont parfois des difficultés à comprendre certaines branches scientifiques comme la physique. Toutefois, transformer un système complexe en un système binaire nous empêche de le comprendre pleinement. Il se pourrait, mais ce n’est qu’une hypothèse, que l’observation non-analytique, la sensibilité et l’empathie aux choses et aux vivants, la faculté de rentrer quasi en osmose avec son environnement, sans l’analyser, sans l’expliquer, sans le juger, sans attribuer de valeurs aux choses et aux vivants, pourraient favoriser un instinct qui, mieux que tout raisonnement logique, devrait permettre à ceux qui en seraient doués de mieux vivre en harmonie dans notre biosphère.

Il est vrai que la Science est capable d’analyser quelques éléments de la Nature tel par exemple les lois de la gravitation, les lois des champs électriques et magnétiques, la chimie des molécules, la composition physique des atomes, les lois de la thermodynamique, etc. Wikipédia énumère 36 spécialités scientifiques dans les sciences de la vie et de l’environnement et 20 autres dans les sciences de la Terre et de l’Univers¹. En divisant la Nature en éléments, les sciences les isolent par la pensée les unes des autres. Elle sépare ce qui est unis. Pourtant, dans la Nature tout est lié, tout agit sur tout. (Voir mon blog du 21 août 2022). Ainsi, en séparant ce qui est intrinsèquement lié, la Science ne peut pas comprendre pleinement la Nature. Quant à vouloir la soumettre ou la contrôler, elle a de fortes chances de faire de très graves erreurs, comme elle en a déjà tant fait. Pensez-vous que si on vous présentait un individu sous la forme d’une pile de rapports contenant ses dimensions, son poids, sa formule sanguine, son électrocardiogramme, l’IRM de son cerveau, un scanner complet de son corps, etc., vous auriez suffisamment d’informations pour vous garantir une vie en harmonie avec cet individu, voire l’aimer ?

Les lois et les découvertes établis par la Science et les technos sciences ne sont d’ailleurs pas faites uniquement pour comprendre la Nature, mais servent le plus souvent à exploiter certains de ses aspects pour le profit qu’elle pourrait apporter à des esprits opportunistes. Par exemple, les lois de la gravitation nous permettent de calculer la hauteur et l’heure des marées en un certain lieu du bord de mer, fort utile pour les navigateurs et pêcheurs. Elles permettent aussi de calculer la puissance énergétique d’une chute d’eau, utile pour calculer les performances d’une centrale hydroélectrique. Mais elles nous permettent aussi de calculer la trajectoire d’un missile chargé d’explosif pour détruire une population sous le prétexte que les dirigeants de l’agresseur et ceux de l’agressé ne partagent pas la même idéologie. Dans ce cas, si fréquent, à part pour l’industrie de l’armement, il n’y a que des perdants. De plus, même si la Science est admirée par la rigueur de ses raisonnements et son honnêteté intellectuelle, elle est trop souvent exploitée par des individus qui, loin de toute éthique, vont l’utiliser pour satisfaire leur orgueil, leur ego, leur vanité, leur fantasme, leur peur, leur lâcheté…Peu importe les conséquences sur la Nature et en particulier sur les sociétés humaines.

Pour répondre à la question de départ, nous pouvons dire que les sciences sont utiles pour nous faire découvrir une partie de la beauté et de la complexité de la Nature. Elle nous permet d’améliorer, jusqu’à un certain point, la qualité de nos existences, mais jamais elles ne nous permettront de comprendre pleinement la biosphère et son climat. D’autres approches seront nécessaires, non plus pour chercher à contrôler, mais à chercher à vivre simplement en harmonie avec tout notre environnement, qu’il soit humain, biologique, ou matière. Probable que la voie scientifiques ne soit pas la plus appropriée.

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¹ https://fr.wikipedia.org/wiki/Science_de_la_nature