Si l’Accord de Paris est suivi à la lettre, il avancera le point de basculement de notre civilisation.
Inquiètes de ce que le GIEC suggère à nos élites à propos des énergies fossiles, jugées comme seules coupables des changements climatiques, ces dernières pensent, ou nous laissent croire, que nous devrions accélérer leur décroissance bien avant que commence celle naturelle prévue par les géologues. Pour obéir à cette injonction, la majorité des pays signataires de l’Accord de Paris se sont mis d’accord pour que, d’ici à 2050, voire avant, les activités humaines arrivent à la neutralité carbone. Pour satisfaire à cette ambition, l’industrie mondiale d’énergie non fossile devra être capable, en moins de deux décennies, d’atteindre une production annuelle d’énergie secondaire de plus de 80 000 TWh, alors qu’elle n’a réussi pour le moment qu’à atteindre environ 16 000 TWh en 150 ans. Bien sûr ces chiffres ne sont que des ordres de grandeur mais suffisamment précis pour évaluer l’importance du défi. En d’autres termes, pour satisfaire l’Accord de Paris, le monde industriel mondial devrait être capable de faire croître sa production d’énergie non fossile par un facteur proche, de l’impossible, aussi bien économiquement, industriellement et surtout écologiquement. Voir chapitre 19 de mon livre. Si ce défi ne peut pas être relevé, alors nous devrions nous attendre à un important déficit du flux d’énergie garantissant la pérennité de nos sociétés complexes mondialisées. Nous aurions alors réussi à avancer de plusieurs décennies le point de basculement de notre civilisation, ce qui, bien sûr, n’est pas le but.
Le but le plus probable de cette campagne est de faire accepter un fond vert pour le climat, vu comme un des « ballons d’oxygène » pour relancer urgemment une industrie et une économie mondiale tendant à s’essouffler de plus en plus. Mais, entretemps, les guerres économiques et militaires ont pris le dessus. Ce qui devait être alloué à la protection du climat risque bien d’être transféré aux efforts de guerre. Dans les deux cas, pour nos classes dirigeantes, l’important est de sauver la croissance du paradigme économico-industriel plutôt que la biosphère.
Mais en fait comment atteindre la neutralité carbone ? En pratique, cela veut dire qu’il serait demandé aux pays producteurs d’énergies fossiles de diminuer drastiquement leurs extractions dès maintenant et, aux autres pays, de créer soit des « puits de carbone », soit de développer et d’utiliser massivement les énergies dites alternatives aux énergies fossiles, soit encore de développer des techniques industrielles de captage de CO2 dans l’atmosphère. Cette notion très vague de la neutralité carbone devrait faire les beaux jours des économistes et des juristes spécialisés en droit international. Elle risque cependant de créer plus de problèmes qu’elle n’en résoudra, tant au niveau géopolitique qu’au niveau des dégâts supplémentaires portés à la biosphère
Parmi les outils économiques et juridiques mis à disposition des gouvernements pour soi-disant sauver le climat, on trouve la taxe carbone, la bourse du carbone, le marché des droits à polluer, les permis négociables, etc. Ces outils sont tous à l’image de la façon de penser et d’agir de notre civilisation, à savoir favoriser d’abord l’économie mondiale, sans se soucier de ses effets sur la biosphère.

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